Découvrez le témoignage anonyme d’une personne qui a été victime de harcèlement moral au travail. Elle nous décrit les difficultés qu’elle a éprouvées dans son milieu de travail et les conduites vexatoires qu’elle a subies. Nous tenons à la remercier pour avoir partagé son expérience avec nous.
Le cas se situe dans les années 90 lorsque la notion de harcèlement moral n’était pas encore « populaire » pas plus que juridiquement reconnue.
Recrutée par Mme T, je me suis rapidement intégrée dans l’entreprise. J’appréciais mon travail et mes collègues. Ma collaboration était appréciée et, à mes missions de départ, est rapidement venue s’ajouter de nouvelles responsabilités et promotions.
Dès les premières semaines je me suis aperçue que Mme T terrorisait le personnel par son comportement irrespectueux et agressif.
Travailler avec Mme T n’était pas simple : très compétente, Mme T maîtrisait son sujet ; elle avait un esprit très critique et soupçonneux à l’égard du personnel et s’emportait à la moindre contrariété. Son comportement générait une tension permanente dans les services.
Avec les années Mme T s’est rapprochée du PDG, sa zone d’influence s’est accrue et son comportement s’est aggravé.
Je participais aux réunions d’exploitation organisées par le PDG en présence de Mme T, du directeur général et des 2 directeurs régionaux d’exploitation, véritables hommes clé de l’exploitation. L’ambiance de travail au sein de ce groupe était constructive et conviviale.
L’ambiance s’est dégradée lorsque l’attitude du PDG et Mme T s’est modifiée à l’égard de Mr G, directeur régional d’exploitation : mises en cause de plus en plus fréquentes de Mr G sur des dossiers, remises en question de ses décisions et obligation de se justifier dans la gestion courante. L’atmosphère des réunions est devenue de plus en plus pesante au fil de mois, puis délétère, les mises en cause incessantes de Mr G étant clairement destinées à le déstabiliser, voir le ridiculiser en présence de ses collègues. Les attaques venaient de Mme T, le PDG n’intervenant d’aucune manière pour la recadrer, mais prenant visiblement plaisir à voir Mme T dans l’action. Toute intervention visant à soutenir Mr G était mal interprétée voir contre-productive. Nous étions témoins et impuissants. Mr G a quitté l’entreprise, dépressif, à 2 ans de la retraite. L’atmosphère de travail au sein de groupe est restée tendue, la communication était rompue. Pour ma part, dégoûtée par les méthodes employées, je n’avais plus confiance dans le PDG et Mme T, et ma motivation dans mon travail s’est dégradée.
Environ un an plus tard, c’était mon tour : pression accrue à coups de remise en question des décisions prises, d’obligation de me justifier, de critiques systématiques de la part de Mme T, puis rupture totale de communication avec le PDG, mon supérieur hiérarchique direct.
L’incompréhension de la situation a créé la confusion, la perte de repères et progressivement la perte de confiance en moi. Je me suis isolée, j’avais de plus en plus de difficultés à me concentrer et à produire mon travail habituel. Je me sentais perdue, épuisée, méfiante et incapable. Je ressentais de la honte à être maltraitée de cette façon et ce sentiment m’a isolé des autres et enfermé dans mes peurs. J’étais incapable de réagir, de retrouver ma lucidité et les ressources nécessaires pour ne serait-ce qu’évoquer le sujet avec Mme T ou le PDG.
Mes collègues m’ont soutenu et conseillé ; rares sont ceux qui se sont détournés.
Finalement j’ai accueilli l’annonce de mon licenciement comme une véritable libération. C’était sans compter le temps nécessaire pour me retrouver, me reconstruire. J’en garde une fragilité. Les détails sont oubliés mais les émotions restent vives.
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